" Le désir selon l'Autre est toujours le désir d'être un Autre. Il n'y a qu'un seul désir métaphysique mais les désirs particuliers qui concrétisent ce désir primordial varient à l'infini." (MRVR p.101)
C'est bien sûr ce que fait Don Quichotte avec Amadis de Gaule : pour
devenir un parfait chevalier, il suffit d'imiter les actes d'un
chevalier parfait. C'est aussi ce que vont faire, par exemple, tous
les petits enfants dans leur apprentissage des conduites sociales, de
la propreté ou du langage. En imitant les adultes, parents ou
enseignants, et ce avec une précision redoutable, ils font comme
les grands, mieux, ils deviennent grands.
Dans ces deux cas, il n'y a pas de réelle interférence entre les
sphères d'intentions et d'actions du sujet et du modèle ; René Girard
parlera alors de médiation externe. Quichotte peut bien imiter en
tout point ce qu'il pense être le comportement de son héros, ce qui
sépare l'un de l'autre reste invariant malgré les exploits du
chevalier. Le modèle Amadis ne désigne rien de particulier et les
échecs du Quichotte n'emportent aucune conséquence puisqu'il peut
aisément passer à autre chose. De même les jeunes enfants imitent au
plus près leurs éducateurs, on les y encourage même, mais à
l'intérieur d'un cadre pédagogique qui maintient une certaine
distance entre sujet et modèle, interdisant la confusion. Si beaucoup
de petites filles veulent devenir maîtresses d'école, c'est
plus tard, et tout est dans ce "plus tard".
L'éloignement sujet - modèle qui caractérise la médiation externe n'est pas une simple question de distance physique ou temporelle, mais tient également à la nature des différences séparant, à l'origine, l'un et l'autre.
"Bien que l'éloignement géographique puisse en constituer un facteur, la distance entre le médiateur et le sujet est d'abord spirituelle. D.Q. et Sancho sont toujours physiquement proches mais la distance sociale et intellectuelle qui les sépare demeure infranchissable." (MRVR, page 22).
Cependant, sauf à évoluer dans le vide - qui est une des illusions
romantiques -, le désir va forcément entrer en contact avec d'autres
désirs. Il le fera d'autant plus facilement et rapidement que ceux-ci
sont proches, c'est-à-dire s'intéressent aux mêmes objets. Ainsi,
rien ne sépare M. de Rênal de Valenod, qui s'affrontent tous les deux
pour dominer la vie sociale de Verrières et qui sont donc très
attentifs à ce que qu'est et ce que fait l'Autre : Julien Sorel n'est
pas le précepteur possible chez l'un où l'autre, il est celui qui
permettra à son employeur d'obtenir un avantage dans cette lutte de
prestige.
Cette proximité des désirs et la rivalité qu'elle entraîne va
caractériser ce que Girard nommera dans un premier temps la médiation
interne et qui deviendra par la suite le désir mimétique.
La perte des différences >